A propos

mardi 16 juin 2009

Déni de modernité

Hadopi a un effet collatéral : un clivage naissant entre anciens et modernes (les nouveaux anciens et les nouveaux modernes, si j'ose dire).
Les télés d'info en continu constituent un bon terrain d'observation des tendances générales.

Des anciens
Des artistes réputés être dans la modernité vous surprennent par une position fermement pro-hadopi. Ils surprennent d'autant plus que beaucoup ont bâti leur carrière (souvent brillante) sur la défense des libertés et contre les autoritarismes. Et tout à coup, les voilà complaisants avec une loi qui les arrangent et les confortent
dans leurs intérêts. C'est, par exemple, tel ancien ministre de l'éducation nationale, qui prend position pour Hadopi avec un ton et des arguments
qui font furieusement penser aux badernes conservatrices des années 1965/67 (on connait la suite...) Comme elles, l'ancien ministre semble avoir décroché de la réalité, ou la voir à travers des lunettes datant de la 3eme république, voir de Louis-Philippe (1830-1848).

Des modernes
Artistes, politiques, là encore, il y a des surprises, tel leader d'un parti classé vraiment à droite se révèle un ardent défenseur de
la liberté d'accès et contre Hadopi. Bien entendu les libertaires, en général, restent cohérents ainsi que les libéraux.

Clivons en choeur

Hadopi clive la société française en transcendant et rebattant les cartes des anciennes catégories. Pour l'instant ceci est très ténu, mais il est bien possible que ce clivage devienne de plus opérant.
Il y a à cela une raison, je crois, Hadopi touche en plein coeur le point de rupture économique, social, culturel produite par le numérique : le droit d'auteur.
Le droit d'auteur moral et patrimonial est, à mon sens, le vrai sujet de la bagarre. Cette bagarre est portée par des questions de gros sous, voire de très gros sous.
Mais au-delà c'est toute la philosophie de la propriété artistique, intellectuelle, scientifique qui est mise en cause.
L'ancienne conception, celle qui se défend à travers Hadopi a pris naissance aux alentours du 16eme pour se développer jusqu'à aujourd'hui.
Ne voir que la question de la Phynance (comme dirait le Père Ubu) serait réducteur et faux. Autre chose se joue de plus important encore.
C'est le pouvoir, le pouvoir des détenteurs du savoir qui se vivent comme seuls propagateurs autorisée et sérieux de ce savoir.
Ils ne contrôlent pas Internet, il n'y prennent pas leur place (par choix de leur part, de ne pas s'y investir).
Et soudain, ils se trouvent dépassés et menacés dans leur position d'absolus dispensateurs de la parole juste, bonne et vraie.
Perdre des sous, c'est une chose, mais perdre le pouvoir c'est insupportable.
Pourtant l'histoire marche vite et somme toute positivement, elle laisse dérrière elle les grincheux.

Mais qu'il ne s'inquiètent pas, les grincheux. Bientôt, les enfants iront, en sortie scolaire, voir leurs effigies dans les musées.
Entre la salle des momies égyptiennes et celle des parchemins.
Dominique Nugues

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